Depuis que je suis petite, j’ai un lien particulier avec la mort.
La disparition de mon père quand j’avais 3 ans y est certainement pour quelque chose. J’ai en mémoire des crises de larmes impossibles à apaiser à la vue d’un animal mort au bord d’une route.
Jeune adolescente, mon grand ami est mort avec son papa dans un accident de la route. Ma réaction a été violente : d’abord une forme de sidération, comme une incapacité à intégrer l’information : nous en avons parlé toute la journée à l’école. Puis, la prise de conscience, accompagnée de sanglots incontrôlables jusqu’à ce que je m’endorme d’épuisement.
Une peur panique que mes proches ne meurent ne me quittait pas. Ma meilleure amie a perdu sa maman. Nous étions en Afrique. Elle était l’ainée. Son père était dans un autre pays. Son frère et sa sœur avaient d’autres pères. Ils étaient seuls… Elle a disparu de ma vie, séparée de sa fratrie, renvoyée chez son père.
La mort m’effrayait, me terrorisait. Pas la mienne. Celle de mes proches. L’expérience me semblait tellement « terminale ». Ce qui m’impressionne encore aujourd’hui, c’est la force avec laquelle mes émotions se manifestaient. Et ma difficulté à les exprimer. Je les gardais secrètes ou elles explosaient, incontrôlables. Aujourd’hui on parle de personnes hypersensibles*.
A 12 ans, je lis Raymond Moody, La Vie après la Vie*. Un nouvel horizon s’ouvre à moi. J’apprivoise petit à petit ce volet de notre existence.
Je ne me sens plus séparée de ceux qui ne sont plus. À quelques reprises, des messages clairs de ceux que j’aime me sont parvenus et aujourd’hui, je me sens en lien, comme accompagnée par ceux qui ont quitté le monde matériel.
Un jour, mordue par un serpent, j’ai eu le temps d’envisager que ma vie puisse se terminer brutalement. Et j’en ai développé un appétit de vivre encore plus grand.
Aujourd’hui, je suis pleine de gratitude pour les instants qui s’égrènent et qui sont pleins de vie.
Il n’y a pas de mort, juste un passage d’un état à un autre et chaque état est ce qu’il est.
Ne pleure pas devant ma tombe
Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe,
Je n’y suis pas, je n’y dors pas…
Je suis le vent qui souffle dans les arbres
Je suis le scintillement du diamant sur la neige
Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr
Je suis la douce pluie d’automne…
Quand tu t’éveilles dans le calme du matin, Je suis l’envol de ces oiseaux silencieux
Qui tournoient dans le ciel…
Alors ne reste pas là à te lamenter devant ma tombe
Je n’y suis pas, je ne suis pas mort !
Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement
Parce que je suis hors de ta vue ?
La mort tu sais, ce n’est rien du tout.
Je suis juste passé de l’autre côté.
Je suis moi et tu es toi.
Quel que soit ce que nous étions l’un pour l’autre avant,
Nous le resterons toujours.
Pour parler de moi, utilise le prénom
Avec lequel tu m’as toujours appelé.
Parle de moi simplement comme tu l’as toujours fait.
Ne change pas de ton, ne prends pas un air grave et triste.
Ris comme avant aux blagues qu’ensemble nous apprécions tant.
Joue, souris, pense à moi, vis pour moi et avec moi.
Laisse mon prénom être le chant réconfortant qu’il a toujours été.
Prononce-le avec simplicité et naturel,
Sans aucune marque de regret.
La vie signifie tout ce qu’elle a toujours signifié.
Tout est toujours pareil, elle continue, le fil n’est pas rompu.
Qu’est-ce que la mort sinon un passage ?
Relativise et laisse couler toutes les agressions de la vie,
Pense et parle toujours de moi autour de toi et tu verras,
Tout ira bien.
Tu sais, je t’entends, je ne suis pas loin, Je suis là, juste de l’autre côté.
Mary Elizabeth Frye
* Elain Aron « Hypersensibles, Mieux se comprendre pour s’accepter ».
* Raymond Moody « La Vie après la Vie »